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La coop de Nice joue la différenciation

Chantal Bagnato, la nouvelle présidente de la coopérative agricole et horticole de Nice et Cyril Martin, le directeur, devant le siège de Carros : « Nous avons tout refait, le magasin, le parking, l'entrepôt de logistique et de stockage de 1 200 m2. »Jean-Pierre Amet

Sur son nouveau site, la coopérative agricole et horticole de Nice s'efforce d'amener ses adhérents vers la production intégrée et le bio. Elle veut aussi séduire le grand public.

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« Le parking ne désemplit pas ! », se félicite Cyril Martin, le directeur de la coopérative agricole et horticole de Nice, en nous invitant à jeter un oeil au flot de voiture continu qui va et vient devant le tout nouveau magasin de la coop de Carros (Alpes-Maritimes). Inauguré en juin dernier, le point de vente de 2 200 m2 a fait l'objet d'un programme de rénovation de fond en comble en même temps que le site de l'entreprise pour un montant de deux millions d'euros. « Nous avons tout refait, le magasin, le parking, l'entrepôt de logistique et de stockage de 1 200 m2 et nous avons créé une salle de réunion », détaille le responsable qui a coordonné les travaux. Tout juste neuf mois après ce vaste chantier, la coopérative a ouvert une boutique de 350 m2 et de 1 000 m2 de surface d'exposition, boulevard du Mercantour à Nice. Un emplacement de choix. Dans le prolongement de l'hypermarché Carrefour et de Leroy Merlin, elle se trouve dans un endroit particulièrement fréquenté.

« On y reçoit principalement des particuliers, relève Chantal Bagnato, la présidente fraîchement nommée en mars dernier et, au passage, seule représente féminine au sein du conseil d'administration. Alors qu'à Carros où nous réalisons 75 % de notre activité, la clientèle se compose davantage d'agriculteurs. » Leur profil ? Principalement des maraîchers qui ont ici la particularité de cultiver une quinzaine de fruits et légumes différents sur des petites surfaces aux alentours d'un hectare en moyenne. Ainsi que des horticulteurs, le département étant avec le Var voisin, l'un des bastions de la production de fleurs en France. S'y ajoutent quelques éleveurs caprins. Reste que depuis sa modernisation, la boutique attire aussi monsieur tout le monde. Grâce à ces différents investissements, auxquels s'ajoute une troisième boutique sur le Marché d'intérêt national (Min) de Nice, la fréquentation globale a augmenté de 8 %, entre 2015 et 2016, avec 450 à 500 passages journaliers en caisse. Résultat, le chiffre d'affaires progresse. Les ventes aux agriculteurs qui pèsent pour 60 % dans l'activité sont en hausse de 3 %. Celles réalisées auprès des particuliers, grâce à la société Centre méditerranéen d'agriculture, ont bondi de 8 %.

Des protocoles basés sur l'emploi d'auxiliaires

Des résultats qui confortent les choix opérés par la coop de Nice trois ans plus tôt. « Notre structure est indépendante depuis sa date de création par les agriculteurs en 1936, souligne son directeur. Elle n'est affiliée à aucun réseau et nous tenons à rester ainsi. Il est donc indispensable d'évoluer. Dans le sillage du plan national Ecophyto et du premier arrêté Certiphyto en 2013, nous avons décidé de nous spécialiser dans la lutte intégrée car la réglementation actuelle restreint les produits phytosanitaires à disposition des agriculteurs. »

« Nous accompagnons nos adhérents en élaborant, avec eux, des protocoles d'action basés sur l'emploi d'auxiliaires qui permettent de maîtriser les populations d'insectes ravageurs des cultures », complète Chantal Bagnato. L'entreprise niçoise joue aussi la carte du bio. Elle a développé toute une gamme de produits dans ce domaine : engrais, terreau... « La transition entre les produits conventionnels et la production raisonnée et le bio n'a pas été facile, observe Cyril Martin. Il a fallu du temps pour convaincre et former les agriculteurs à ces nouvelles méthodes. Nous l'avons fait en lien avec la chambre d'agriculture. Mais, depuis que les producteurs de fraises de Carros sont passés au bio, ils n'ont jamais autant valorisé leur production ! » De même, la coopérative oriente les agriculteurs vers les nouvelles techniques de désherbage - un poste important puisqu'il représente 80 % de son business, en leur proposant des outils thermiques, à eau... et toute une gamme de paillages plastiques sur lesquels ils implantent directement leurs plants de culture les exemptant ainsi de désherber leurs parcelles. « Nous les incitons aussi à travailler différemment en leur conseillant, par exemple, de se servir des résidus de pousse pour enrichir le sol, explique la présidente. Pour se faire, nous avons intégré à notre gamme des broyeurs à végétaux ou des tondeuses à mulshing. »

Parallèlement, la coopérative cherche à séduire encore plus la clientèle. A savoir les amateurs, les entreprises d'espaces verts, les collectivités, les centres équestres... Car dans cette plaine maraîchère et horticole, l'agriculture décline. La fleur, concurrencée par la production hollandaise, se trouve en perte de vitesse. Pour ce qui est du maraîchage, les exploitations résistent tant bien que mal aux produits d'importation. Et les éleveurs sont de moins en moins nombreux. « Nous sommes confrontés à un vieillissement des générations, constate Cyril Martin. De plus, la pression foncière est telle dans notre département que les jeunes ont toutes les peines du monde à s'installer. »

Motoculture et apiculture

Pour accroître son attractivité auprès des non-agriculteurs, l'entreprise niçoise a choisi la stratégie de la différenciation. L'amateur vient dans ses magasins car les vendeurs dispensent des conseils « de pro » et proposent des gammes introuvables ailleurs comme l'Algo Geranium que l'on peut acheter ici en bidon de cinq litres ou des masques intégraux de protection professionnels. La coop est aussi l'une des rares de son secteur à disposer d'un service motoculture avec une large gamme d'engins : débroussailleuse, tronçonneuse, motobineuse, tondeuse, micro-tracteurs, taille-haie, souffleurs, transporteurs à chenille... fabriqués par des marques réputées (Stihl, Viking, Rabaud, Staub...). Et si l'un de ces appareils tombe en panne, la coopérative possède à Carros un atelier de réparation mécanique où oeuvrent cinq mécanos, dont un embauché l'an passé pour faire face au surcroît d'activité. Grâce à cette recrue supplémentaire, ce pôle a augmenté son chiffre d'affaires de 14 % l'an passé pour atteindre 1,8 million d'euros.

Le magasin de Carros déploie aussi un rayon apiculture unique en son genre. Il comporte tous les équipements nécessaires à l'apiculteur : ruche, cire, aliments, vêtements de protection... Ceux qui le souhaitent peuvent aussi bénéficier de formation à ce métier dans les locaux de la coopérative. « Nous touchons à de nombreuses activités, observe Cyril Martin. Un jour, nous conseillons un horticulteur, le lendemain, un producteur d'huile d'olive, un chasseur ou un simple amateur. » Autre preuve de cette diversité, au moment du départ des animaux dans les alpages, la coopérative prépare chaque année le matériel destiné à l'héliportage : des clôtures électriques, des panneaux solaires pour alimenter ces dernières, ainsi que des aliments pour les animaux.

Un espace produit du terroir

L'an passé, elle a profité de la rénovation du magasin de Carros pour étoffer encore ses activités. Elle a mis en place un espace produit du terroir où elle vend des produits issus à 80 % de ses adhérents. On y trouve des confitures, de l'huile d'olive, du miel, des chips de socca sucrées et salées, des biscuits, du vin... Deux fois par mois le samedi, elle accueille en alternance un éleveur de volaille et un horticulteur qui propose ses fleurs à la vente. « Ils sont sociétaires de la structure », précise Cyril Martin. Cette année, elle a proposé pour la première fois les plants de fleurs de l'un de ses horticulteurs à la clientèle du magasin. En saison, elle espère faire de même avec des producteurs de melons, de fraises, de pommes... On trouve aussi des produits pour l'univers de la piscine. « Nous croyons beaucoup à la vente en circuits courts, enchaîne le dirigeant. Elle correspond à une attente des consommateurs. Nous attirons ainsi de nouveaux clients. Quant aux agriculteurs, ils profitent du flux des clients du magasin. » Pour promouvoir ces événements, la coopérative fait de la pub dans la presse locale et utilise le réseau social Facebook. Un outil qu'elle a appris à manier y compris pour faire part de ses nouveautés. Quand elle a annoncé la sortie dans ses magasins d'un piège écologique contre la chenille du pin, 22 493 personnes ont liké l'information. Pour favoriser encore les liens entre ses producteurs et les consommateurs, elle planche actuellement sur la création d'une boutique en ligne qui commercialisera la production de ses membres. Un autre chantier en cours.

Chantal Sarrazin

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